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Approche cognitivo-comportementale

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Je t'aime comme tu es...

La thérapie se déroule classiquement en quatre phases : l’analyse fonctionnelle, la définition des objectifs du traitement, la mise en œuvre d’un programme thérapeutique, l’évaluation des résultats.

L’analyse fonctionnelle permet de déterminer une stratégie thérapeutique différant selon chaque patient, en fonction de la problématique qui lui est propre. Elle vise à définir les problèmes-clé, leurs tenants et aboutissants.

Les problèmes-clé sont, dans une visée pragmatique, ceux sur lesquels on pense qu’une action positive est possible et dont la solution permettra d’améliorer la qualité de vie de l’individu. L’action modificatrice à entreprendre porte pour l’essentiel sur les facteurs de maintien du comportement-problème : en effet, dans la plupart des cas, si le comportement perturbé est bien l’écho résiduel, le vestige d’événements traumatiques anciens, il a au fil du temps acquis d’autres sens, d’autres fonctions dans l’économie de l’individu ; ce sont ces derniers qui le font souvent perdurer.

En ce qui concerne l’obésité, les problèmes-clés sont le plus souvent les troubles du comportement alimentaire (la restriction cognitive aboutit à des compulsions incontrôlables) et les difficultés psychologiques et relationnelles qui favorisent les excès alimentaires. La perte de poids n’est pas vue comme un but en soi, mais découle des progrès dans ces domaines.

Le thérapeute dispose de différentes techniques utiles : l’utilisation d’un carnet alimentaire, l’usage de consignes de contrôle du stimulus, les techniques d’exposition, l’affirmation de soi ou entraînement aux habiletés sociales, la thérapie cognitive. Il ne s’agit pas d’appliquer une suite de recettes, mais d’établir une stratégie thérapeutique pour chaque patient, en fonction de sa problématique.

L'analyse fonctionnelle

L’analyse fonctionnelle se pratique au moyen d’entretiens semi-structurés, ou à l’aide de grilles d’entretiens structurés. Dans le cas de la personne obèse ou en surpoids, doivent particulièrement être pris en considération :

L’histoire pondérale, les différentes méthodes précédemment essayées, le statut pondéral des parents. L’examen détaillé des échecs précédents permet de définir les obstacles principaux.

Le comportement alimentaire, ses variations, le degré de restriction alimentaire, les pertes de contrôle, les compulsions, les boulimies, les grignotages, l'alimentation nocturne.

L’estime de soi, les préoccupations concernant le poids et les formes corporelles. Une estime de soi basse, le poids et l’alimentation devenus les éléments centraux de la vie du patient vont généralement de pair avec des troubles du comportement alimentaire importants.

L’image du corps. Un corps rigide et maladroit, une gestualité pauvre, l’insatisfaction de son apparence corporelle, le rejet de l’image de son corps et des sensations corporelles sont des éléments devant orienter vers des prises en charges spécifiques.

L’utilisation que fait la personne de son obésité. Si l’obèse souffre d’une image du corps dévalorisée, le corps obèse et les excès alimentaires aident aussi souvent la personne à se définir. Elle se pose face aux autres et vis-à-vis d’elle-même comme un bon vivant épicurien, ou comme une mère nourricière, voire comme un " méchant gros " asocial. Ce caractère hors-norme tend à s’effriter au fur et à mesure qu’on maigrit. La banalisation progressive est alors vécue comme mettant la personnalité en danger ; la reprise pondérale apparaît alors fréquemment au patient comme le moindre mal.

Les difficultés relationnelles. Le thérapeute comportementaliste prête tout particulièrement attention aux difficultés d’affirmation de soi dans le champ alimentaire (passivité face aux offres de nourriture, par exemple) et en dehors (comportements passifs ou passifs-agressifs, fréquemment suivis de compulsions alimentaires). Il s’intéresse aux conflits de pouvoir éventuels : certaines personnes subissent des pressions familiales et sociales, voire médicales, leur intimant de maigrir ; elles se trouvent alors écartelées entre leur désir d’amaigrissement et le fait que céder aux pressions constitue pour elles une forme d’abdication. Les conflits de pouvoir sont à l’origine de bien des comportements alimentaires paradoxaux et de courbes pondérales erratiques.

Les problèmes affectifs. Ils sont souvent mis sur le compte du poids. Mais mincir ne fait le plus souvent que les exacerber, confrontant directement l’individu à ses manques.

Les attentes de la personne en surpoids vis-à-vis du traitement. Bien des personnes obèses vivent leur amaigrissement sur le mode de la rédemption. Être mince devra alors profondément modifier le cours de leur vie ; il s’agit parfois de rêveries de richesse et de gloire, déconnectées de toute réalité ; ou bien l’individu pense que l’amaigrissement lui apportera la réussite professionnelle, lui permettra de modifier ses comportements sexuels et ses relations affectives. Un début d’amaigrissement aboutit à mettre l’individu au pied du mur ; reprendre du poids devient alors le seul moyen de préserver ses rêves.

Les troubles psychopathologiques associés. Le thérapeute recherchera des antécédents de troubles du comportement alimentaire (anorexie mentale, Bulimia nervosa), d’épisodes dépressifs, de troubles anxieux, d’épisodes d’attaque de panique. On s’intéressera aux conduites addictives associées (alcool, tabac, psychotropes, coupe-faim), aux troubles de la personnalité, aux perturbations émotionnelles. On investiguera les conduites pathologiques en matière de gestion du temps et de l’argent (boulimies et restrictions d’achats, boulimies d’activité). Un état dépressif, des troubles anxieux, émotionnels et affectifs, des troubles de la personnalité importants sont des contre-indications à l’amaigrissement immédiat et doivent être pris en charge prioritairement.

L'information et la déformation diététiques

L’alimentation est le domaine privilégié de la pensée magique. Beaucoup perçoivent mal la relation existant entre les prises alimentaires et les variations de poids, pensent qu’on peut grossir sans manger, par exemple sous le coup de contrariétés et d’émotions fortes, ou bien qu’on peut maigrir en mangeant de grosses quantités de nourriture, si cette nourriture est une "bonne nourriture". Ils distinguent les aliments, non pas selon des critères nutritionnels, mais selon des critères moraux : certains aliments, tels les sucres et les graisses, ou encore les viandes, sont ainsi diabolisés tandis que d’autres, tels les fruits et légumes frais, les laitages, sont portés aux nues, parés de toutes les vertus.

Parvenir à échapper à l’idéologie du "diététiquement correct" est un pas essentiel : l’objectif fixé à la thérapie des troubles du comportement alimentaire sera de manger de tout ce qu’on aime (friandises sucrées et salées, viennoiseries…), mais aussi de manger globalement moins.

Le carnet alimentaire

La tenue d’un carnet alimentaire constitue le fondement de la plupart des prises en charges cognitivo-comportementales. Le patient tient un carnet alimentaire et répond aux questions quoi, quand, où, comment. Outre noter ce qui est mangé, il peut aussi éventuellement noter ce qu’il a eu envie de manger, sans l’avoir mangé.

L’accent est mis sur la prise de conscience des prises alimentaires en qualité et surtout en quantité, sur le degré de restriction alimentaire, sur les sensations d’absence de contrôle, sur les événements et situations en rapport avec cette absence de contrôle.

La tenue d’un carnet alimentaire permet de centrer l’attention de la personne sur les événements, les états émotionnels, les discours intérieurs qui conduisent à des prises alimentaires.

Comportement alimentaire

Il est illusoire de penser qu’on va parvenir à maigrir durablement si on est régulièrement la proie de compulsions alimentaires ou de boulimies. Le travail sur le comportement alimentaire est souvent un préalable indispensable à tout travail sur la perte de poids.

Une première façon de procéder consiste à promouvoir des techniques de contrôle du stimulus:

Les consignes de contrôle du stimulus ont pour but de ralentir la vitesse des prises alimentaires, de les cantonner dans des lieux précis et à des moments précis, d’éliminer les situations favorisant les prises alimentaires automatiques et incontrôlées, de diminuer les tentations. Tout cela doit permettre une distanciation du sujet par rapport aux situations alimentaires, une diminution des moments de perte de contrôle.

Les consignes ne sont pas données en bloc ; il est demandé au sujet, chaque semaine, de réaliser une consigne qui vient s’ajouter à celles des semaines précédentes. Bien évidemment, selon le comportement alimentaire de chacun, certaines consignes seront particulièrement intéressantes, tandis que d’autres seront sans raison d’être. Le programme thérapeutique doit donc être personnalisé.

On demande fréquemment au patient de manger assis, avec des couverts et une assiette, de ne rien faire d'autre en mangeant, de manger plus lentement. Il s’agit aussi de mieux organiser et structurer ses prises alimentaires : on peut par exemple planifier ses prises alimentaires, collations comprises, sur la semaine (et non sur la journée), ranger les aliments tentateurs hors de vue, réduire la consommation de chaque aliment sans supprimer les aliments préférés, prévoir un moment de détente, de relaxation avant chaque prise alimentaire.

Une autre façon de procéder est de privilégier le travail sur la restriction cognitive :

On demande au patient de réintroduire dans son alimentation quotidienne, en petite quantité, les aliments qu’il considère habituellement comme interdits, "tabous", mais sur lesquels il craque régulièrement.

On lui demande de déguster ce qu’il mange, c’est-à-dire de prêter une attention accrue au goût des aliments. Cela revient en pratique à prendre de petites bouchées que l’on garde suffisamment longtemps en bouche, afin d’en apprécier les saveurs. Pour les aliments nourrissants, on constate normalement que, de bouchée en bouchée, le goût se modifie : plus on mange et moins c’est bon. Vient un moment où la nourriture apporte moins de plaisir : on est suffisamment rassasié.

Bien souvent, consommer les aliments interdits en dehors d’une perte de contrôle est angoissant et entraîne un sentiment de culpabilité. Le thérapeute peut alors demander à son patient de repérer et de noter le discours intérieur qu’il se tient à cette occasion. Il s’agit le plus souvent de craintes paniques de grossir ainsi que de pensées de dévalorisation liées à l’idée de faute et de péché.

Le travail sur les situations conduisant à des excès alimentaires

Manger est une réponse apprise, qu'on aura associée à des situations spécifiques: chagrins, angoisses, difficultés de vie de toutes sortes. On ne parviendra à renoncer à la réponse alimentaire qu’en la remplaçant par d'autres séquences, mieux adaptées aux situations déclencheuses. Une exploration minutieuse des problèmes rencontrés et qui conduisent à manger trop permettra de trouver des moyens plus satisfaisants de faire face aux péripéties de l’existence.

Pour y parvenir, le thérapeute comportementaliste utilisera différents outils thérapeutiques : techniques d’affirmation de soi et de jeu de rôle, thérapie cognitive, méthodes de relaxation sont couramment utilisées.

Dans bien des cas, ce travail sur l’usage que la personne fait de son poids et de son comportement alimentaire occupe le devant de la scène thérapeutique et nécessite un travail de longue haleine, sur de nombreux mois. Il peut se faire de façon concomitante avec le travail sur le comportement alimentaire, ou bien le précéder, si on constate que le patient n’est pas en mesure de réduire ses prises alimentaires dans l’immédiat.

Les difficultés liées à l'amincissement

Mincir, c’est tout à la fois perdre son personnage social de "bon gros" ou de "bonne grosse", c’est se retrouver au pied du mur et devoir réaliser ses rêves ("quand je serai mince…"). On se dit qu’alors on saura séduire, on saura changer de métier, on sera plus dynamique, plus ceci, moins cela. 

La réalité est moins aisée : bien des personnes sont déçues par leur vie d’individu aminci : ainsi, ce n’était que cela ! On ne m’aime pas plus, je ne réussis pas davantage…

La thérapie est donc loin d’être finie quand la personne maigrit !

En conclusion

L’approche cognitivo-comportementale est aujourd’hui reconnue comme l’un des traitements de choix de l’obésité. Est-ce mérité?

Non. En tant que "méthode amaigrissante", les approches cognitivo-comportementales sont décevantes. Les études scientifiques comparant l'efficacité des "thérapies comportementales" aux traitements diététiques, aux traitements par coupe-faim ou aux traitements par augmentation de l’exercice physique montrent que, sur un suivi de 1 à 2 ans, ces thérapies semblent plus efficaces. Cependant, si on prend en compte une durée plus longue, de l’ordre de 5 ans, ces différents traitements apparaissent tous comme inefficaces.

En 1959, Stunkard et McLaren-Hume constataient que seulement 2% de leurs patients n'avaient pas repris le poids perdu après 2 ans. Il semble que depuis lors, les progrès aient été modestes : Kramer & all, en 1989 obtiennent moins de 3 % de sujets ne reprenant pas le poids perdu après 5 ans, Wadden, Stunkard et Liebschultz, en 1988 comptabilisent 10% de stabilisation pondérale à 3 ans après diètes sévères associées à thérapie cognitivo-comportementale, et Goodrick et Foreyt, en 1991, estiment à 5% le pourcentage de poids stabilisé à la baisse 5 années après un traitement amaigrissant par thérapie cognitivo-comportementale.

De ce fait, les thérapies comportementales brèves, uniquement centrées sur la tenue d’un carnet alimentaire et les techniques de contrôle du stimulus, semblent avoir fait leur temps.

En fait, les thérapies cognitivo-comportementales ne constituent pas une méthode amaigrissante, mais un moyen d'aborder un certain nombre de difficultés du patient en surpoids.

Les objectifs qu'il est ainsi possible d'aborder sont en premier lieu les troubles du comportement alimentaire et les troubles psychopathologiques. Le thérapeute comportementaliste honnête aide son patient à trouver un certain confort physique et mental, en cassant le cycle infernal de la restriction cognitive, en redécouvrant son corps, en cessant d’avoir des réponses alimentaires face à des problèmes non alimentaires, psychologiques et relationnels. Il arrive, à l’issue de ce travail, que cela permette au patient de perdre du poids !

Informations extraites du site du GROS.

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