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L'épidémie

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L'obésité, première épidémie non infectieuse de l'Histoire

Sur 6 milliards d'êtres humains, 3 milliards sont sous-alimentés. Les autres, habitant principalement dans les pays riches ou émergents, sont lentement mais sûrement en train de devenir obèses.

Depuis 1997, l'obésité est considéré comme une maladie et l'OMS alerte régulièrement les pays sur la gravité de l'épidémie. Elle place actuellement sa prévention et sa prise en charge comme une priorité dans le domaine de la pathologie nutritionnelle : « pour la prochaine décennie, les projections de l'épidémie globale d'obésité [dans les pays développés et dans les pays en voie de développement] sont si inquiétantes qu'une action de santé publique est nécessaire de façon urgente. »

La situation dans le monde

L'OMS estime qu'il y a aujourd'hui entre 5 et 10% de la population mondiale adulte qui souffre d'obésité (IMC > 30) soit environ 250 millions de personnes. L'obésité se répand de manière très rapide dans des pays comme le Brésil, où l'on observe une augmentation de la malnutrition et de la surconsommation dans diverses catégories de la population. Les hommes sont plus nombreux que les femmes à devenir obèses et cette augmentation est plus marquée dans les classes défavorisées de la population.

Quelques chiffres

les Indiens Pimas d'Arizona, les Nauruens mélanésiens sont obèses à 80 %, et près d'un sur deux développe un diabète avant l'âge de cinquante ans.
la prévalence de l'obésité est de 40 % chez les femmes des pays d'Europe de l'Est et de la Méditerranée, ainsi que chez les femmes noires aux Etats-Unis d'Amérique.
50 % des Américains sont en surpoids (IMC > 25) et 25 % franchement obèses.

l'Europe semble encore relativement épargnée, avec 30 % seulement d'adultes en surpoids.

La situation en France

Une étude menée en 1997 à partir des archives du service national a permis de se faire une bonne idée de la situation de l'épidémie en France pour les jeunes hommes et de son évolution sur les 10 dernières années.

L'analyse des prévalences de 1987 à 1996 réserve une mauvaise surprise : les prévalences d'obésité sont en augmentation constante,  le pourcentage de jeunes en surpoids (IMC supérieur à 25) est passé de 11,5 % en 1987 à 16,5 % en 1996. Les obésités (IMC > 30) ont doublé entre 1987 et 1996 !

Le phénomène est-il spécifique aux concentrations urbaines, là où pullulent les hauts lieux de la mal- bouffe ? L'analyse des prévalences par catégories de communes infirme cette idée reçue : quelle que soit l'année considérée, les prévalences sont inversement proportionnelles à la taille de la commune, selon un gradient extraordinairement régulier ; autrement dit, plus petites sont les communes, plus fortes sont les prévalences de l'obésité !

A la lumière de ces chiffres, force est donc de constater que l'obésité est devenue un problème majeur en France.

Une forte dispersion selon les régions...

En 1987 la France était coupée en trois :
Un ensemble composé de la Bretagne, des Pays de la Loire et de la Basse-Normandie, caractérisé par de très faibles prévalences ;
un quadrilatère de prévalences moyennes, dont les sommets seraient les régions Nord-Pas-de-Calais, Alsace, Midi-Pyrénées et Aquitaine ;

un arc méditerranéen associant Languedoc-Roussillon et Provence-Alpes-Côte d'Azur, avec de faibles prévalences.

Dans ce paysage, deux régions étaient atypiques : les prévalences exceptionnellement fortes de la Corse contrastant avec les faibles valeurs de l'Ile-de-France.

La carte de 1996 fait apparaître une véritable généralisation de taux forts qui, neuf ans auparavant, semblaient le fait du seul Sud-Ouest. Les régions composant le grand nord de la France (Nord-Pas-de-Calais, Picardie, Basse-Normandie et Champagne-Ardenne) présentent désormais les plus fortes prévalences du continent. Les prévalences élevées constituent ainsi une règle générale à laquelle seul le grand Ouest français, et particulièrement la Bretagne, semble échapper. L'évolution très rapide des régions méditerranéennes est particulièrement préoccupante.

...et une influence des comportements locaux

Des analyses plus fines montrent des disparités importantes, au sein d'une même région, selon des zones de populations qui présentent de nombreux traits communs, sociaux, économiques et culturels. Par exemple, aux taux forts de la France des mines et de la sidérurgie correspondent d'autres taux forts dans l'Auvergne la plus rurale et les contreforts pyrénéens.

Une comparaison entre les villes de plus de 20.000 habitants montrent que la localisation est déterminante sur la taille de la ville.

Ce constat milite donc en faveur de comportements locaux, ce que de trop rares études sur les spécificités dans le boire et le manger ont montré. Cette piste de recherche semble d'ailleurs contradictoire avec l'idée répandue d'une uniformisation des comportements alimentaires en France, via les McDonald's et autres fast-foods, ou d'une homogénéisation des comportements alcooliques, via la consommation de whisky.

Évolution depuis 1997

L'obésité progresse en France, où l'on dénombre 4,2  millions d'obèses en 2000, soit 655  000 personnes de plus qu'en 1997, selon une étude de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), réalisée auprès de 27  000 Français de 15 ans et plus. Il s'agit d'une actualisation d'une première enquête de 1997.

Depuis trois ans, la population française a grossi en moyenne de 0,8 kg. En 2000, la proportion des sujets obèses ou trop gros (dits en « surpoids  ») est passée de 36,7  % à 39  %. La France compterait ainsi un peu plus de 17  millions de personnes obèses ou en surpoids. En trois ans, le nombre de personnes en surpoids a augmenté de 534 000. L'étude affirme également que le tour de taille de la population a augmenté en moyenne de 1,6  cm. L'augmentation de l'obésité touche toutes les catégories socioprofessionnelles.

La situation des enfants

Le nombre d'enfants obèses a doublé en cinq ans, et à ce rythme l'Europe aura rattrapé les Etats-Unis dans les vingt prochaines années.

On a démontré l’existence d’une relation inverse entre la classe sociale et la prévalence de l’obésité chez les enfants âgés de 3 à 18 ans, avec des taux allant de 25 % dans les familles à faible revenu à 5 % dans les familles à revenu élevé.

Aux Etats-Unis est apparue depuis quelques années une maladie nouvelle, qui touche les enfants obèses de onze ans en moyenne, principalement au sein des minorités ethniques pauvres. Il s'agit d'une forme ultra-précoce de diabète de type 2 (dit diabète gras). Les premiers cas de diabète atypique de l'enfant sont arrivés en France en 1999, et tout indique qu'il va s'étendre.

Virgile Woringer, médecin des écoles lausannoises, pèse et mesure tous les élèves de la ville et constate qu'«ils pèsent en moyenne 1 à 3 kilos de plus qu'il y a dix ans». Il n'y a pas grand-chose à faire. Les résultats du groupe de soutien nommé BAB (Brigade anti-bourrelets) qui se réunissait il y a quelques années n'ont jamais dépassé les 10% de succès. Les régimes «ne correspondent pas au mode de vie des adolescents et sont donc voués à l'échec», soupire Yolande Chérica, diététicienne responsable de l'Hôpital de l'enfance. Il faut donc se contenter de stopper l'escalade et d'attendre que la croissance rééquilibre les proportions. «Le problème est rarement lié à un abus de nourriture, souligne Yolande Chérica. Il s'agit souvent d'une réaction à une agression. Je me souviens de ce garçon de 16 ans, 103 kilos pour 170 centimètres, qui m'a dit: "Il vaut mieux être aveugle que gros: les aveugles, au moins on les écoute."»

Rappel : l'obésité chez l'enfant et l'adolescent se juge sur des valeurs de l'IMC différentes de celles de l'adulte.

Pour en savoir plus...

OMS : Communiqué 46 (12 juin 1997)

La Recherche (n° 330, avril 2000)

 

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